
Dinan - Le port
Quelques notes sur la libération de 1944
prises à Dinan
par Eugène Tellier-Giard
6 juin
Dans la matinée, nous apprenons le débarquement en Haute-Normandie ;
grande effervescence en ville.
Gros mouvements dans les rues ; les trains cessent de circuler.
7 juin
Toujours gros mouvements sur les routes.
Je devais aller au travail
(travail ordonné aux adultes par les troupes
allemandes - NDLR), mais je n'y vais pas. Un agent de police vient me prévenir : j'y
vais de 11h30 jusqu'à 16h.
Un groupe d'avions est venu mitrailler la gare : deux blessés légers.
Ce matin, nous avons eu les dernières lettres. Je reçois une caisse de vins de
Mestrezat. Ordre de porter les postes de T.S.F, à la mairie. Toutes les écoles sont
fermées. Aux Cordeliers et à la Victoire, on continue cependant des cours pour les
externes.
10 juin
Je pars le matin avec Monique et Marcelle pour aller au ravitaillement. A 500
mètres de St-Solen, nous sommes obligés de nous mettre dans un fossé, une
vingtaine d'avions nous survolant. Deux d'entre eux piquent vers l'entrée du
bourg, mitraillent et lâchent chacun deux bombes que nous voyons tomber. Trois
camions et les dépendances d'une ferme brûlent. Nous faisons un détour pour
éviter le village, et nous apprenons bientôt que le petit train départemental venant
de St-Malo a été mitraillé en gare de St-Pierre : une dizaine de morts et autant de
blessés que l'on transporte à Dinan. Au retour, en vue de St-Solen, nous sommes
obligés de nous mettre à l'abri dans une maison, une vingtaine d'avions arrosent
les routes. Nous rentrons à Dinan, sans autre incident, vers 16 heures.
11 juin
Journée calme ; il n'y a pas de procession. Couvre-feu de 21h à 7 heures.
12 juin
Nous assistons à l'enterrement de Mlle MAZIE du BRIEST, de Boulogne. Vers
la fin de la messe, on vient nous prévenir que des tracts auraient été distribués,
annonçant un bombardement de Dinan sous une heure. Le corbillard est parti à
fond de train. On est obligé de laisser le corps dans l'église et nous rentrons chez
nous.
Nous décidons de ne pas bouger, mais nous assistons à l'exode de presque tous
les Dinandais avec des valises, paquets, voitures d'enfants ...
Certains sont allés à une dizaine de kilomètres. Nous recevons Mlle DEMARIE
et toute la famille PAYS. On prépare à manger pour tous. A 12h30, nous sommes
tous à table ; on apprend que les tracts étaient une fausse nouvelle. Nous voyons
redéfiler toute la population. Nous en aidons un certain nombre qui ne peuvent
plus remonter notre rue.
Le soir nous apprenons que le pont St-Hubert est démoli. Celui de la Hisse a été
également touché. Dans les campagnes, il y a une baisse considérable
(de prix ?)
pour le beurre et les oeufs.
Période calme jusqu'au début d'août. Cependant toutes les routes sont
surveillées par l'aviation et les véhicules sont mitraillés.
26 juillet
Nous assistons au mariage de notre employée de maison Anne-Marie avec Elie
DUGUEN. Messe à St-Sauveur, petite réception chez nous, puis dîner à Trélat, chez
Mr et Mme PEPIN, auquel nous assistons, ma femme et moi ; journée très agréable.
1er août
Depuis quelques jours, les armées américaines arrivent vers la Bretagne. Je vais
au ravitaillement avec Elisabeth dans la région des Champs Giraud.
--Fin du récit--
E. TELLIER-GIARD, capitaine de réserve, devait se mettre à la disposition des
armées alliées dès que Dinan serait libérée.
Compte tenu de son âge (53 ans), il ne fut pas intégré dans les forces
combattantes, mais affecté au Centre de Rennes où l'on rassemblait et remettait si
possible en service tout ce que l'armée allemande avait abandonné lors de sa retraite
; plus tard il demanda sa mutation au Centre d'Arras, ceci afin de se rapprocher de sa
famille qui devait réintégrer Wimereux en juin 1945. Il fut démobilisé quelques
mois après.
E.T.
©
Dominique Giard 2004.