Situation de la famille Giard-Rivière
en mai 1940
par Paul Giard
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L'année 1940 fut particulièrement éprouvante pour notre famille.
Le 6 mars, après un long et dur hiver, René GIARD est décédé brutalement.
Pris d'une violente crise d'angor le matin même, en se rendant à pied à sa librairie,
il tombe sur le trottoir, rue de Cassel, et sera ramené chez lui avec l'aide de voisins.
Clotilde y était seule. Le médecin, appelé, portera le diagnostic d'infarctus du
myocarde. Le décès sera rapide, en quelques heures.
Notre père avait été très affecté par la déclaration de guerre en septembre 1939,
lors de l'attaque allemande sur la Pologne. Il avait, de ce fait, été privé à la librairie
de l'aide d'Antoine et François, qui le secondaient et qui furent mobilisés, l'un le
premier jour, l'autre le troisième. Il ne restait avec lui que J.B. CATTIAU et notre
soeur Clotilde, qui avait remplacé ses frères et qui, mariée le 2 février avec Henry
JULLIEN, habitait avec son mari rue de Cassel où elle s'occupait également du
ménage de toute la maisonnée.
Pauline GIARD-RIVIERE, notre mère, 53 ans, mère de 18 enfants (dont l'une,
Marguerite-Marie, décédée en 1928 à l'âge de 4 ans 1/2), se trouvait à Wimereux,
villa Christine, avenue de la Mer, où elle était restée par prudence en septembre,
après les vacances, avec les plus jeunes de ses enfants : Pascal, 21 ans (il sera mobilisé
en novembre 1939 à Rouen, au 43ème d'artillerie), - Marie-Joseph, 19 ans, - Odile, 16
ans, - Emmanuel, 14 ans, - Colette, 12 ans, - Marie-Paule, 10 ans, - Jean-Baptiste et
Xavier, 8 ans.
Geneviève, 34 ans (Mère Génovéfa, des Auxiliatrices du Purgatoire, depuis
janvier 1928), se trouve à la maison de la rue Nationale à Lille.
René, notre frère aîné, 33 ans, ingénieur des mines de Courrières, Lieutenant
d'artillerie, père de 4 enfants, a été affecté au 406ème Régiment de D.C.A. de
Dunkerque.
Augustin, 31 ans, séminariste au séminaire académique de Lille, est mobilisé
au 15ème d'artillerie de Douai comme Maréchal des Logis. Cantonné dans l'est, il
fera à pied la retraite vers le Gard et sera ensuite démobilisé après l'armistice.
Antoine, 29 ans, est mobilisé comme sergent au 5ème génie, cantonné dans
l'est. Après la mort de notre père, il sera "affecté spécial" à la librairie à Lille au mois
d'avril, comme soutien de famille.
François, 26 ans, mobilisé au 38ème bataillon de chars, sera cantonné à Beaufort
sous-Maubeuge, puis dans l'Aisne. Egalement comme soutien de famille, il sera en
avril 40 en permission de 3 mois à Lille.
Thérèse, 27 ans, élève-infirmière à Lille avec son amie, Yvonne REQUILLART,
qui loge rue de Cassel à cette époque.
Paul, 24 ans, étudiant en médecine, mobilisé en septembre 1939 à Rouen, à la
3ème S.I.M., sera E.O.R. puis affecté en février 1940 comme médecin-auxiliaire à
l'H.O.E.2 n°6 à Beauvais. Mais, réformé et démobilisé en avril, il rentre à Lille et
prendra alors les fonctions d'interne provisoire à l'Hôpital de la Charité (pendant 3
semaines).
Etienne, 22 ans, était déjà mobilisé à la déclaration de guerre au 54ème
régiment d'infanterie de forteresse, et il se trouvait depuis septembre à Condé-sur-
Escaut.
Les frères Giard mobilisés, réunis en mars 1940 après le décès de leur père.
De gauche à droite : Paul, René, Pascal, Antoine, Francois, Augustin et Etienne.
La véritable guerre, succédant à la démoralisante "drôle de guerre", débutera en
fait pour nous le 10 mai, avec l'offensive massive des Allemands sur la Hollande, la
Belgique et la ligne Maginot. Très rapidement, le front sera enfoncé, avec la débâcle
des civils et des militaires entre le 10 et le 20 mai.
René sera tué le soir du 22 mai à Lambres-les-Aire, et Etienne le matin du 23
mai à Odomez, près de Condé-sur-Escaut. Nous apprendrons la mort d'Etienne
assez rapidement alors que nous étions repliés au Mesnil-sur-Blangy, mais celle de
René très tardivement, en septembre.
Dès le samedi 18 mai, René, de Dunkerque, nous avait alertés par téléphone :
François et moi-même à Lille, Maman à Wimereux, nous recommandant de fuir
immédiatement vers la Normandie, et nous demandant de nous occuper également
de sa femme, Françoise, et de ses enfants qui se trouvaient à Courrières.
Le 18 mai, avec Yvonne REQUILLART, je trouve à Roubaix une Simca 5 dans
un garage appartenant à un de ses cousins. Et nous partirons pour Wimereux le soir
même. Antoine faisait de même avec la C6 Citroën et François avec la mobylette de
J.M. FOULON (ami de la librairie et horloger).
P.G.
© Dominique Giard 2004.